· 

Le Roman de l'année : Semaine R-6 - Mer, Plans et Soleil

 

Les deux premières semaines des grandes vacances viennent de s’écouler. J’ai vite adopté un rythme de vacancier professionnel. D’un autre côté, il ne faut pas perdre de temps, les vacances passent vite… Nous sommes au bord de l’océan. Cette année, le temps n’est pas très chaud, mais globalement agréable. Même avec quelques journées nuageuses, on profite de la plage avec une température de l’eau au-dessus de la moyenne, ce dont on ne se plaint surtout pas, même si l’on sait que cela procède d’un certain réchauffement climatique voire d’un réchauffement climatique certain...

 

 

Les journées se passent entre plage, vélo, repos et un peu de travail. On se lève tard, on se couche tard aussi… Pour ne pas trop oublier l’école, j’ai de suite mis en route mon premier chantier de l’été. Cela m’a occupé quelques heures cette quinzaine.

 

 

 

Si j’imagine aisément certains d’entre vous commencer à bâtir leurs premiers plans de travail CPR, en ce qui me concerne, l'heure est venue de faire évoluer les miens. Pourquoi cela ? En fait, publier des livres, paraitre dans la presse locale et diffuser son travail sur les réseaux sociaux présentent quelques effets secondaires.

 

 

Ces effets pré-existaient, mais comme tout ce qui se passe à notre époque, ma présence sur les réseaux sociaux depuis deux ans ne fait qu’amplifier sérieusement le phénomène ! Et en effet, cela ne se limite plus à quelques fratries passées dans ma classe les années d'avant ; je constate de plus en plus souvent que des familles disposent des plans en avance et font le travail en amont à la maison avec leur enfant « héritier » (pour reprendre le modèle de dualité d’un enfant « Héritier/Elève » défini dans mon ouvrage : Rendre chaque élève de Cm1-Cm2 responsable de ses apprentissages). Le problème, c’est que ce travail en amont n’est pas du tout du même ordre que le travail en amont que je fais l’été et que j’ai introduit au chapitre 1 (semaine R-8 de ce Roman de l’Année) et que pour le coup, cela risque de limiter sérieusement la capacité d’adaptation de cet enfant quand il sera dans sa projection « élève ».

 

 

L’idée maitresse que j’avance dans la définition de la Pédagogie CPR est qu’il faut développer le pragmatisme des enfants dans leur projection d’élève (et tant mieux si l’effet se prolonge aussi dans leur projection d’héritier, mais ce n’est pas l’objet premier de mon métier). Dans la définition que j’utilise pour définir le concept du Choix Pragmatique Responsable (CPR), le pragmatisme consiste en deux volets tout aussi indispensables l’un que l’autre et totalement complémentaires :

 

 

1-      Être capable de reconnaitre et d’appliquer ce que l’on sait qui fonctionne

 

2-      S’adapter à toute situation rencontrée (en appliquant ce que l’on sait qui fonctionne)

 

 

Quand le travail se fait en avance et avec le soutien de la famille, peut-on toujours parler d’adaptation de l’élève ? S’il doit juste apprendre à refaire un exercice vu à la maison et non plus s’adapter à celui-ci au moment où il le rencontre, on sort du cadre de la Pédagogie CPR et de ses ressorts de réussite.

 

 

Il s’agit à vrai dire d’une tentative parentale de contournement pour garder, plus ou moins consciemment un fonctionnement plus traditionnel (entrainements, multiples si besoin, dans le but d’un « recrachage » le jour d’une évaluation, qui n’existe pas en Pédagogie CPR, de ce qui a été plusieurs fois répété). Ceci s’appelle aussi le bachotage et même au cours de mes études, je détestais cette négation des compétences au profit des savoirs empiriques : une tête bien faite, est surpassée en examens par des têtes trop remplies pour que cela soit durable ! C’est un peu l’histoire de l’Éducation Nationale dont je parle, mais passons sur mes idées personnelles, pour considérer comme acquis, le fait que les parents de nos élèves ont bien souvent connu la réussite à leurs examens en empruntant ce chemin très usuel et toujours bien entretenu par l’institution scolaire.  Il n’y a donc rien d’étonnant à les voir penser que leurs enfants mettent toutes leurs chances de réussite en procédant de la même manière. Alors certes, pour accéder et réussir aux études supérieures, on peut discuter, mais à l’école primaire, non… voyons…

 

 

Je n’ai jamais été dupe, cela existe régulièrement dans ma classe comme dans les autres et depuis des années, mais le dispositif que je propose a toujours limité le phénomène à quelques rares élèves, et rarement ceux en réussite. Pourtant, depuis deux ans, je sens le mouvement s’amplifier, concomitamment à la diffusion médiatique de mes idées pédagogiques et des ressources les accompagnant.

 

 

Et comme les plans ne suffisent pas, certaines familles ont acheté les manuels de la classe. Tout cela part d’une bonne intention : aider leur progéniture, mais comment leur faire comprendre qu’en Pédagogie CPR cela est le plus souvent contre-productif ? Il faut d’abord évoquer le côté social et « estime de soi » d’un élève qui se retrouve dans cette position et qui sait qu’il est, en quelque sorte, en train de « tricher » par rapport à ses camarades. Cela le place forcément dans une situation de fragilité dont il n’a surtout pas besoin.

 

 

J’ai eu un cas l’année passée. Je ne pouvais pas expliquer à cette élève qu’elle était en train de tricher, alors qu’elle se donnait à 100% pour valider ses plans et que je la voyais progresser quand même. J’ai donc pris le parti inverse, celui de faire comme si je le savais depuis toujours. Je n’ai pas dénoncé le dispositif familial, je me suis appuyé dessus. Je lui ai fait petit à petit constater ce qui était efficient pour elle et ce qui l’était moins, lui faire remarquer qu’elle parvenait aussi à valider des exercices faits directement en classe. Au fil de l’année, l’aide à la maison est devenue plus pragmatique. C’est elle qui demandait l’étayage sur telle ou telle compétence à ses parents. Elle est devenue le moteur de sa réussite et a cessé d’être sous perfusion permanente et préventive de ses parents.

 

 

Cela s’est bien terminé parce que j’ai eu la confiance des parents avec qui j’ai pu aborder le sujet de manière posée. Ils ont su écouter mon avis et lâcher prise peu à peu en constatant l’évolution profonde de leur fille. Mais souvent, bien au contraire, cela finit par amplifier les difficultés de certains élèves et nourrit la défiance des parents, tout ceci initiant une spirale négative souvent quasi-définitive.

 

 

Bref, cette année, je vais tenter de moins exposer le flanc de ma pédagogie aux tentatives parentales de détournement… Par ailleurs, en parler ici, sur les réseaux sociaux n’est pas non plus sans calcul de ma part, je pense aussi aux parents qui ne manqueront pas de lire ce roman au fil de l’année… C’est aussi une occasion pragmatique à ne pas rater de passer le message !

 

 

Devant cette situation, je prépare donc deux axes de réponse. La première sera dans la classe : ce seront les nouveaux plans CPR que je ne diffuserai pas sur les réseaux. Les parents ne pourront pas les avoir à l’avance cette année.

 

 

L’autre réponse leur sera directement adressée lors ma réunion de rentrée ! J’ai promis dans le « guide pratique pour enseigner par plans de travail à une classe de Cm1-Cm2 » qu’il y aurait un argumentaire à télécharger sur le site de la Pédagogie CPR, cela fait partie de ma liste « des choses à faire » du mois d’Août et cet argumentaire comprendra une partie sur les dérives parentales possibles. Heureusement que les vacances sont longues !

 

 

 

Lors de la quinzaine qui vient de s’écouler, j’ai commencé par remanier la série de plans de français puis celle de mathématiques. Je garde mes manuels, même s’ils commencent à vieillir un peu (voire beaucoup quand ils sont passés dans les mains de certains élèves particulièrement soigneux). Je ne dispose pas de la dernière version adaptée à la dernière évolution des programmes, mais ils vont faire encore quelques années.

 

 

Dans la pratique, j’ai d’abord re-brassé un peu les progressions (sans être sûr à vrai dire que cela sera plus efficient que celles d’avant, même si je l’espère). Ensuite, j’ai repris les 4 exercices de chaque compétence. J’en ai changé certains, gardé d’autres. Quand il y avait dans le manuel plusieurs exercices du même type, je suis passé de l’un à l’autre. J’ai évincé quelques exercices pénibles à corriger (ça c’est pour mon confort !) et j’ai laissé tomber des exercices où tous les élèves se plantaient, ou ceux qui ont des erreurs imprimées (car il y en a). Toutefois, comme toujours, j’ai gardé quelques exercices résistants, certains où ils tombent tous dans le panneau mais qui sont formateurs, de ceux par exemple où l’on a vraiment l’impression de faire des maths (pour une fois !).

 

 

Je rappelle (mais « le guide pratique pour enseigner par plans de travail en Cm1-Cm2 » en parle bien mieux plus en détail) qu’il doit y avoir un équilibre entre exercices faciles et exercices résistants, voire très résistants.

 

 

Me voilà donc au bout de ces deux premières semaines de vacances avec deux nouvelles séries de plans de travail CPR disposant de la mise en page 2023 qui permet d’utiliser les tampons de l’échelle d’évaluation CPR. Ces deux semaines sont donc une conséquence directe de ce à quoi je réfléchis depuis février et la mise en route du projet « Tampons CPR ». Me voilà satisfait ! Je vais pouvoir maintenant me consacrer au gros morceau de l’été : la production d’écrit, mais il faut que les nombreuses idées qui sont apparues lors de ma réflexion globale se mettent en place. Il faut que tout cela repose.

 

 

Ainsi, je peux aller faire un tour de vélo ou aller à la plage l’esprit tranquille. En fait, sur la plage, j’aime bien regarder mes pieds dans le sable au bord de l’eau. Quand je marche, l’eau se trouble et on ne voit plus rien. Il faut alors rester tranquille et laisser reposer. L’eau redevient claire et l’on revoit parfaitement ses pieds. Il en est ainsi des vacances, je brasse mes dispositifs et mes idées et je laisse le temps de laisser reposer pour y voir plus clair. Petit à petit, c’est comme ça que tout prend sens, que chaque chose se met en place. J’ai rédigé ma thèse de doctorat comme cela, au même endroit il y a déjà quelques décennies et depuis trois ans, j’y ai rédigé aussi une grande partie de mes livres. Les vacances sont propices à ma réflexion.

 

Profitez-en, bon repos à vous, moi je vais continuer à profiter de la mer et du soleil.

 

 

 

chapitre 1


Chapitre 2


Chapitre 3




Écrire commentaire

Commentaires: 2
  • #1

    Muriel (lundi, 24 juillet 2023 22:25)

    Je n’y avais pas pensé …aux fratries !
    Bien qu’avec mon public, une telle anticipation des parents me paraît peu probable, je vais peut être songer à ne pas laisser les plans dans le classeur mais uniquement un bilan…à réfléchir !

  • #2

    Nicolas DURAND (mardi, 25 juillet 2023 11:38)

    Il faut aussi mettre ça en attente... Le problème des fratries n'arrive pas de suite. Il y a une certaine inertie. J'ai remarqué cet effet au bout de 4 ou 5 ans. J'ai changé de manuel à ce moment là, ce qui a repoussé le phénomène d'encore quelques années. Par contre, là, avec la médiatisation, pas mal de familles ont un accès direct à mes ressources. C'est entièrement de ma faute et logique, donc j'assume, je retravaille un peu ! A part ça je pense qu'il faut leur rendre les plans. Ils les mettent dans leur classeur aussi chez moi et en fin d'année, ils adorent regarder leurs feuilles. "ah ! celui-là j'avais eu cC ! et toi ?" Quand on range les dernières feuilles en fin d'année, j'aime bien les écouter, c'est aussi là que l'on sent qu'ils ont aimé travailler ainsi !