Généralement, l’estime de soi, la confiance, la motivation, l’engagement sont considérés comme des catalyseurs fondamentaux de la réussite des élèves. La psychologie des élèves est une chose à prendre en considération dans toute pédagogie. Pour la pédagogie CPR il faut instaurer une zone de confort psychologique car cette zone assurera la prise de risque nécessaire parfois dans les choix que chaque élève devra assumer de faire.
L’un des premiers leviers permettant l’instauration d’une telle zone dans la classe est le changement de positionnement du professeur. Dans la classe, souvent, pour ne pas dire tout le temps, le Professeur (ou la Professeure) a le positionnement du « maitre » (ou de la maitresse). Il y a dans cette dénomination un profond déséquilibre, tout le contraire de ce que je tente de mettre en place. Il y a dans ce mot "maitre" une forme d’arbitraire, de dictatorial. Ce positionnement du professeur ne peut pas assurer cette zone de confort psychologique nécessaire dans un dispositif tel que le mien. Pour autant, à ce jour, je n’ai pas trouvé d’autre mot que Monsieur. Je ne suis pas un maître, je ne possède pas, je n’ai pas de droit arbitraire sur les élèves. Au contraire, je suis un adepte de règles instaurées pour les élèves, comme pour moi (c’est mon côté pédagogie institutionnelle). Je suis plutôt un guide, et le plus souvent un accompagnant de leurs acquisitions, pas un maitre !
Dans le mot maître, il y a aussi l’omnipotence, l’omniscience. Je ne possède aucun de ces dons. C’est sûr que pour « tenir » sa classe, un tel positionnement a certains avantages, mais il m’éloigne de mes objectifs. Je préfère ne pas être un super héros car un guide, un accompagnant doit être crédible et donc proche des réalités, en particulier celle des élèves. C’est ainsi que les élèves acceptent d’adhérer, de se lancer. C’est un pas fondamental vers l’instauration d’une zone de confort psychologique pour les élèves.
Le fait de se retrouver aux prises avec un système dynamique NL implique une très bonne connaissance des élèves. On ne vit pas dans un monde asocial… L’école n’est pas un milieu hostile avec une barrière entre deux mondes inconciliables : les professeurs (définis alors comme maître !) et les élèves. L’observation des élèves est une grande part de mon travail et j’apprends à les apprécier (dans le sens le plus large du mot) pour ce qu’ils sont avec leurs faiblesses et leurs forces scolaires, mais aussi avec leur personnalité et leur individualité (je parle aisément de singularité).
Il s'agit ensuite de faire les choses avec empathie. Ce n’est pas un renoncement, ce n'est pas du laxisme dans la classe, c’est un choix de relations sociales et humaines saines. Je dis souvent aux élèves : « nous passons 6 heures ensemble par jour, autant que cela soit agréable », et en même temps je rajoute aussi, « vous perdez de toutes façons ces 6 heures par jour à l’école, autant faire le travail demandé… ».
Un autre facteur permet de développer cette fameuse zone de confort psychologique, il s’agit de la liberté de penser. Un élève doit pouvoir avoir et exprimer ses propres idées, ses propres avis. Pour cela, il faut évidemment commencer par avoir un positionnement raisonnable de « maître ». Un maître omniscient ne permet aucune liberté puisqu’il sait tout. Dans ce cas, quel élève se sent libre de penser ? Soit il pense comme le maître, soit il est en opposition avec lui ! Dans le cas d'un professeur accompagnant, l’élève sait qu’il peut aussi avoir un avis tout aussi valable que celui du professeur. J’insiste vraiment tout au long de l’année sur la différence entre la connaissance (dont le professeur est le garant) et l’avis personnel (dont le professeur n'a pas l'exclusivité).
Ainsi, l'élève peut assimiler qu’il a le droit de se tromper, que se tromper est normal, que se tromper n’a pas d’incidence sur les acquisitions, ni sur mes évaluations finales. Cette liberté de se tromper s’accompagne toujours du droit à être aidé (et là est l’un de mes rôles, une de mes fonctions). Quand ce sentiment d’égalité, de liberté se développe chez l’élève, à chaque fois qu’il se sent libre d’en user, c’est qu’il se sent dans sa zone de confort psychologique.
Il doit aussi sentir qu’il peut être écouté. Il doit être écouté dans ses réponses scolaires mais aussi dans ses difficultés, dans ses doutes. Ce n’est pas anodin et c’est une grande marque de confiance dont il faut se montrer digne. Chaque problème exprimé se doit d’être traité avec déférence. Que ce soit une difficulté scolaire, familiale ou sociale, elle doit être prise au sérieux. Même si cela parait anodin à l’adulte que je suis, en tant qu’accompagnant, cela me concerne et le fait que cela soit important aux yeux de l’élève suffit pour que ce soit aussi le cas pour moi.
Cette liberté de penser et de s'exprimer est proche de la liberté de choix, et comme le choix est la pierre angulaire de la pédagogie CPR, la liberté de penser sera un catalyseur de plus y favorisant la réussite.
Le contrat didactique de la classe est ainsi, entre un professeur qui guide et qui accompagne des élèves installés et sereins dans une zone de confort psychologique leur facilitant la prise de risque nécessaire à la réalisation des choix pragmatiques demandés.