La pédagogie par Choix Pragmatique Responsable (côté élèves), recouvre un point fondamental pour moi, la Zone Proximale de Développement (ZPD). Cette notion introduite par Vigotski au XIXème siècle est une évidence et doit rester une base non négociable. Je peux en résumer brièvement le principe que j’en retiens : chaque élève possède une ZPD qui définit l’étendue de sa capacité à acquérir (plus ou moins seul selon que l’on se place plus ou moins strictement dans le cadre de Vigotski) de nouvelles compétences.
Un point crucial dans le cadre du système dynamique NL, est de savoir si la ZPD est une valeur caractéristique de l’élève ou une caractéristique qui lui est extérieure. On constate, en général, l’état de la ZPD d’un élève à un instant donné et pour la majorité des enseignants, la ZPD est en liaison directe avec le niveau scolaire de l’élève considéré. La ZPD serait même pour certains une conséquence assez directe de ce niveau. Cela est d’ailleurs plutôt logique dans le cadre du système par approximations. La conséquence de considérer la ZPD ainsi, est que l’on se borne à l’estimer et à travailler si possible dedans. C’est le cas des pédagogies traditionnelles.On se retrouve, de fait, exactement dans la même situation que pour la différenciation. Dans ce modèle, il y a un point de bascule où un élève finit par avoir trop de retard pour que les compétences à acquérir puissent être dans sa ZPD.
Au fil du temps, mes observations ont abouti au postulat que certains élèves en difficulté pourraient présenter un déficit d’étendue de leur ZPD. Ce déficit empêcherait régulièrement ces élèves d’acquérir de nouvelles compétences au rythme que l’on donne à la classe.
Chaque élève possèderait donc une ZPD qui lui serait propre, ce point s’intégrant bien sûr plus aisément dans un modèle de classe de type système dynamique NL. Cette inversion de la relation cause-effet implique donc que la ZPD n’est pas une conséquence du niveau scolaire, mais qu’elle en serait plutôt une cause.
Je me suis donc interrogé sur la possibilité d’étendre la ZPD de ces élèves. Si l’on peut étendre la ZPD d’un élève en retard au niveau de celle des meilleurs de la classe (en termes de ZPD), on pourrait réduire le retard initial.
Penchons-nous sur le pragmatisme des élèves : à l’école, force est de constater que ces capacités ne sont pas toujours évidentes à observer ou à
mobiliser. En fait, on a du mal à l’envisager dans l’école de la République. Cette difficulté pré-supposée des enfants/élèves (mineurs qu’il convient de protéger) à s’adapter par eux-mêmes, a induit
un balisage des apprentissages qui va jusqu'à l'installation d'une ritualisation pédagogique. Ces rituels, installés dès la maternelle, mettent peu souvent les élèves en situation de s’adapter.
N’ayant plus de nécessité d’utiliser cette capacité que je suppose innée, elle ne peut que s’atrophier.
De fait, quand ils arrivent au Cm2, peu d’élèves recourent majoritairement au pragmatisme. Dans le but de favoriser le développement de son pragmatisme (et de sa ZPD), je vais souvent placer didactiquement les élèves en dehors de leur zone de confort. Ils vont devoir prendre des risques, se lancer, oser dans leur travail, bref, s’adapter et recourir à diverses procédures qui fonctionnent pour se sortir de la situation proposée.
L’idée de faire sortir les élèves de leur zone de confort didactique n’est pas anecdotique. Ce point va s’opposer
frontalement à une trop grande ritualisation. Pour s’adapter à une situation, il faut être en présence d’une situation à laquelle on n’est pas déjà adapté ! D’où l’idée de les surprendre, de
les laisser dans l’expectative. L’enfant va s’entrainer, va prendre l’habitude de s’adapter, prendre l’habitude de rechercher une solution et une autre si la première ne permet pas d’atteindre la
réussite.
Le corollaire de l’évolutivité de la ZPD propre de chaque élève est le suivant : un élève n’est pas définitivement perdu parce qu’il a des difficultés et ce n’est pas en s’acharnant sur les difficultés en question ou en le faisant redoubler que l’on sera le plus efficient pour l’aider. Il faut traiter les causes de la prise de retard, pas uniquement les retards eux-mêmes.
Bref, plus il utilisera ses capacités pragmatiques, plus il sera pragmatique. En revenant à mon hypothèse de départ, sa ZPD devrait alors s’étendre et favoriser de meilleures acquisitions.