Le rapport TPA pour faire des choix



 

Notre métier d’enseignant est un métier particulièrement prenant… On ne compte pas ses heures ! S'il ne s’agit pas de prôner le travail minimum obligatoire, trouver le bon équilibre et le bon tri entre ce qui relève de l’investissement dans son travail (qui est choisi personnellement) et ce qui relève de la pression d’une surcharge de travail (qui est subi personnellement) est une marque essentielle du pragmatisme d'un enseignant.

 

 

 

Quand on parle d’investissement choisi personnellement, ses propres convictions vont rentrer en jeu. Dans une démarche que je construis, en étant persuadé d’être dans le vrai, le temps passé n’est pas une charge, mais un choix totalement assumé. Au contraire, un certain nombre d’heures de travail sont imposées (ou fortement conseillées) et ne font pas forcément sens pour l'enseignant. Dans ce cas, elles peuvent devenir une charge et leur accumulation peut engendrer la surcharge… Tout métier possède des contraintes, le nôtre y compris. Mais peut-être que nous pouvons de notre côté, éviter quelques petites surcharges. De fait, parfois, un simple petit allégement peut permettre de quitter la zone de surcharge pour retrouver un équilibre satisfaisant. Et quand celui-ci est enfin installé, notre métier semble soudain plus léger, plus facile.

 

 

 

Mais comment alléger la charge de travail ? Combien de collègues se sont posés la question ? Doit-on se donner l’obligation de finaliser tout le travail qui est à faire  ou doit-on mettre des limites ? On ne peut pas tout absorber et à l’impossible, nul n’est tenu ! Alors, mettons des limites… Commençons par fixer des limites de temps et ensuite, il faudra pragmatiquement y faire rentrer les obligations du métier ! Il faut cesser de faire le contraire en adaptant systématiquement son temps à ce que l’on considère comme des obligations ; ce n’est pas tenable. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise limite de temps, il y a celle où l’enseignant se sent bien. Cet équilibre à trouver n’est pas le même pour tout le monde et ne sera pas constant tout au long d’une carrière.

 

 

 

Chacun pose des limites, mais certaines contraintes viennent régulièrement nous inciter à dépasser ces limites que l’on aurait aimé ne pas dépasser. Pour certains métiers, cela est clair, les horaires sont fixes, et on ne ramène jamais de travail à la maison (et ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de surcharge dans ces métiers…), mais pour l’enseignement, tout cela est bien plus compliqué à borner mais c’est le revers de la liberté pédagogique. Pour pouvoir se définir des limites de temps, il faut prendre conscience que le travail n’est jamais et ne sera jamais terminé ! La limite ne peut donc pas être la fin du travail à faire ! Ceux qui partent avec cette idée en tête seront forcément à un moment ou un autre du côté surcharge ! Alors soyons pragmatiques ! Il va falloir faire des choix, fixer des priorités.

 

 

Prioriser, trier

 

 

La priorisation des tâches est un moyen de poser des limites ponctuellement, mais ne constitue pas un système viable en soi à long terme. On peut y recourir mais quand cela devient un système perpétuel, ce n’est plus que de la survie et la surcharge devient permanente et tout aussi insupportable qu’au départ ! On a juste reculé pour mieux sauter. Cette priorisation ne donne que ponctuellement un peu d’air, mais il va falloir se confronter aux causes plus profondes.

 

 

Au lieu de définir des priorités, et si ce qui n’est pas indispensable m’amène à une surcharge, il est peut-être temps de faire le tri et de ne garder que l’indispensable, le reste devant demeurer une variable d’ajustement. Le tri a alors l’avantage de se faire à priori, alors que la priorisation des tâches se fait plutôt à postériori. Nous parlons donc ici de prendre des mesures en amont de la surcharge, pas de simplement gérer la surcharge quand elle arrive.

 

 

Globalement, si les cimetières sont remplis de gens indispensables, les oubliettes du savoir sont remplies de pratiques pédagogiques qui furent incontournables ! Pour entrevoir ce dont je parle, il suffit d’ouvrir les placards remplis de vieux manuels dans les écoles. Pour être efficient, il faut faire des choix. Pour faire ces choix de manière pragmatique, on doit faire une séparation entre ce que l'on sait fonctionner et ce pourquoi on a plus de doutes.

 

 

le rapport TPA

 

Pour fixer des limites de temps, j’ai choisi de mettre en relation le temps passé (investissement) et le bénéfice (escompté et/ou réel) (taux d’acquisition).  Ce rapport, je l’appelle le « TPA » : Temps Pour l’Acquisition. Plus ce rapport TPA est faible, plus l’activité est efficiente. Au contraire, une activité à fort TPA est une activité que j’aurai tendance à écarter rapidement.

 

 

Quand je parle de temps, il s’agit du temps investi pour aboutir à l’acquisition. Il faut tout prendre en compte : le temps de préparation, le temps en classe et le temps d’après (corrections et/ou analyse). Pour maximaliser le rapport TPA, il faudra donc avoir un grand taux d’acquisition pour un investissement en temps le plus faible possible.

Prendre ce rapport comme critère diffère donc profondément de l’idée de prendre seulement un grand taux d’acquisition comme outil de sélection des activités. En effet, un fort taux d’acquisition obtenu dans la classe au prix d’un investissement très chronophage aboutira à un TPA médiocre. Cette mise en rapport du temps d’investissement consenti et du taux d’acquisition obtenu est devenu un point très pragmatique de mes choix pédagogiques.

 

Atteindre 100% de réussite ne sera pas possible à chaque fois pour cause de TPA trop haut. Pourtant, il ne faut pas accepter que certains élèves ne réussissent pas sans tenter, tant que faire se peut, d’y trouver une solution ! Dans le cadre d’une classe modélisée en tant que système dynamique NL, la personnalisation des parcours et le développement du pragmatisme des élèves sera une bonne voie à explorer.

 


 

Une partie de la liberté pédagogique va consister en la définition par chaque enseignant d’un niveau de TPA compatible à la fois avec les objectifs fixés par l’institution et à la fois avec ses propres objectifs et limites. Les facteurs influant sont nombreux. Le premier, et l’un des plus importants, est un facteur personnel : qu’est-on prêt à investir ? Ce sera une réponse individuelle, propre à chaque enseignant. Peu d’investissement va accroitre la difficulté à obtenir un bon TPA. Mais l’augmentation du temps passé pour assurer un grand taux d’acquisition pourra aussi aboutir à un TPA médiocre, par cause d’un temps investi bien trop important vis-à-vis du résultat obtenu in fine.