Je ne prétends pas être un spécialiste des troubles d'apprentissage, néanmoins, je gère une classe normale, complète, à temps plein et à l'année, une classe dans laquelle, tous les ans, certains élèves présentent des troubles d'apprentissage. Cela finit par me donner une certaine expérience, et je l'espère, un minimum de crédibilité sur le sujet. La Pédagogie CPR a été développée pour prendre en compte TOUS les élèves dans leur singularité, ce qui inclus donc fort logiquement les élèves présentant des troubles d'apprentissage. A vrai dire, je porte toujours une attention particulière et bienveillante aux élèves à profil particulier de manière à respecter leur nature profonde et ce qui fait qu’ils sont ce qu’ils sont. Ces singularités sont la richesse de notre société. L’uniformité n’est pas mon idéal républicain. Ce sont les singularités qui font avancer l’uniformité des autres. Chaque société se doit de protéger ces singularités. Toutes ne la feront pas avancer, mais c’est souvent parmi eux que se trouvent ceux qui le feront.
La pédagogie CPR permet à chaque élève de s’adapter au système déployé dans la classe. Ce n’est pas rien dans la pratique ! Pas besoin de bâtir un nouveau parcours à chaque profil particulier puisque la personnalisation est structurellement fondatrice de la pédagogie CPR et qu'elle est au cœur de la mise en pratique par les plans de travail. Cela évite à l'enseignant toute surcharge de travail au moment de l'accueil d'un élève singulier.
Au final, en ce qui me concerne, j’adore accueillir ce type d’élève, c’est toujours un plaisir de les voir évoluer chacun à leur manière. C’est motivant de pouvoir agir sur des élèves un peu « extra-ordinaires » (au sens littéral du terme). C’est gratifiant pour un enseignant de pouvoir s’adapter à tous les profils, de les accompagner sans que cela ne soit un investissement « jetable » à chaque fois, car il n’a pas été nécessaire de développer un dispositif dédié seulement à ce cas unique. Et à tout pour le moins, cela évite une certaine routine d’année en année.
La sphère Dys et la Pédagogie CPR
Dans les études, on rapporte que près de 10% (sinon plus) des élèves présenteraient des troubles d’apprentissage. Les dénominations ont évolué au cours du temps, entre dyslexique, dys-autrechose…, sphère dys et aujourd’hui trouble d’apprentissage, mais la réalité de ces élèves, elle, n’a pas évoluée. Si aujourd’hui on préfère la dénomination de « troubles d’apprentissage » à celle de « dys », j’assume ici d’utiliser quand même le vocable DYS et je ne pense pas que le vocabulaire utilisé puisse changer quoi que ce soit à mon propos. Ce qu’il faut retenir aujourd’hui, c’est qu’il y a autant de types de « dys » que d’élèves atteints. La différenciation a été la réponse principale apportée dans les classes, mais je vous renvoie à mon livre (voir ici) dans la partie consacrée à ce que je définie comme "Chimères Pédagogiques" pour constater que la différenciation a bien des limites et qu'elle n'est pas toujours très efficiente, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le système pédagogique du Choix Pragmatique Responsable permet une autre prise en compte de ces élèves. Parfois, ils ont été dépistés, mais d’autres ne le sont pas. Cela ne change pas fondamentalement mon action, même si la gestion des relations avec la famille sera différente. Il s’agit d’abord d’élèves dont les parents sont inquiets car ils ont conscience de la difficulté de leur enfant. Il n’est pas rare également que la famille considère que l’école ne prend pas assez en compte cette difficulté. J’ai donc un rôle premier d’information : dans ma classe, tout se passera différemment. En premier lieu, il n’y aura pas de miracles. L’enfant devra être sérieux et au travail, mais il pourra vivre une année différente, potentiellement apaisée. Ce discours est aujourd’hui d’autant plus crédible que les années passant, il ne fait aucun doute que ce type d’élève bénéficie à plein de la pédagogie CPR et les statistiques des résultats au collège des années passées étayent bien mon discours.
En fait, dans le système dynamique NL qui modélise le groupe classe en Pédagogie CPR (voir ici), un élève différent n’est pas plus anormal que les autres, il est juste singulier au même titre que les autres singularités constituant le groupe classe. Cela change mon regard et mes attentes. Le deuxième principe est de postuler que tout élève parvenant dans ma classe doit suivre le même programme et la même programmation que les autres. Il doit se sentir au même niveau que les autres. C’est un point important pour qu’il puisse rester dans la zone de confort psychologique mise en place dans la classe (voir ici). Il faudra donc, pour lui, comme pour l'ensemble des élèves du groupe classe, favoriser dès le départ le développement du pragmatisme.
Ces élèves ont souvent une ZPD très restreinte (voir ici) et d’autant plus qu’on a eu recours à la différenciation pour eux, car cette différenciation, qui les a aidés dans une classe à fonctionnement traditionnel est difficilement compatible avec le développement d'un certain niveau de pragmatisme, d’une capacité à s’adapter ou à faire des choix. Pourtant, souvent, les collègues qui ont eu en charge de tels élèves, ont pensé qu'il y avait besoin d’un fort soutien et d’un étayage appuyé car ceux-ci ne peuvent pas suivre le rythme imposé dans la progression d'une classe plus traditionnelle (car cette dernière est considérée comme un système par approximation). Ces élèves sont souvent suivis en plus à l’extérieur de l’école par un professionnel (orthophoniste, grapho ou ergo thérapeute…).
Alors mettons-nous quelques secondes à la place de l'enfant dans cette situation. Il ne parvient pas à acquérir certaines compétences que les autres automatisent sans difficulté (à cause du fonctionnement de son cerveau), il a un travail différencié et le soir après l’école, en plus du travail à la maison (plus lourd pour lui que pour d'autres), il doit aller travailler avec un spécialiste où il entend parler de son trouble encore une fois ! Comment peut-il se sentir l’égal des autres ? Comment se pourrait-il que lui (et ses parents) ne finisse pas par se considérer pas comme incapable ?
Pourtant, ce qu’il faut comprendre chez un Dys, c’est qu’il n’est pas moins intelligent, pas moins courageux que les autres, il a juste un fonctionnement intellectuel différent de la moyenne. Son cerveau fonctionne de façon tout aussi optimale que le mien, mais différemment. Or, le programme scolaire (basé quand même sur le concept des approximations) a été conçu pour des élèves possédant un fonctionnement que l’on considère normal car il est majoritaire dans la population. D’un autre côté, ce cerveau "dys" qui au global, a les mêmes capacités qu’un autre, se rattrape certainement ailleurs. J’aime assez souligner les avantages d’un tel cerveau. Et de fait, bien souvent un dyslexique aura de très bonnes capacités mathématiques. Il n’en est pas souvent conscient, il m’appartient donc de lui faire découvrir cela au plus vite pour le mettre en situation de réussir et en premier en mathématiques !
En dehors de ça, la fatigabilité d’un Dys n’est pas une légende. Elle est réelle et non constante. Le système de travail par plans et par niveaux est naturellement adapté à cette fatigabilité non constante. Si un jour, il ressent la fatigue, il va avoir le loisir de lever un peu le pied, et le lendemain, alors qu’il sera un peu moins fatigable, il travaillera plus vite pour lisser la charge. La gestion de son temps lui sera propre et il apprendra à l’optimiser au fil de l’année dans le but d’atteindre les paliers raisonnables ou ambitieux qu’il se fixera (ou que je lui fixerai). Cette gestion du temps n’est absolument pas prévisible par le professeur à priori. Celui-ci peut préparer de la différenciation autant qu’il veut, s’il a prévu de la mettre en place sur un moment où l’élève est fatigué, tout cela ne servira à rien ! Dans ma classe, je lui rétrocède sa propre gestion, et qui d’autre que lui est véritablement capable de le faire ? Dans la pratique, il faut quand même distinguer deux cas pour bien traiter le sujet. Le premier cas est un élève se présentant sans aide dans la classe, le second sera un élève ayant un Accompagnant d’Elève en Situation de Handicap (AESH ou assimilé), tout ou partie du temps de classe.
L'élève Dys sans Aesh
Dans ce cas, l’élève va devoir se prendre en charge, car je ne lui proposerai pas d’adaptation, je ne lui macherai pas le travail. C'est un choix de ma part, le choix de le mettre sur un pied d'égalité avec les autres. Dans le cadre de la Pédagogie CPR, avec le travail par plans (voir ici), le fonctionnement de ce type d’élève est totalement pris en compte par nature, sans adaptation spécifique à réaliser. Alors, quand il arrive dans ma classe, l’enfant aura le même travail, le même plan que les autres ! S’il se met au travail, s’il est motivé, à tous les coups, l’année se passe bien.
Dans l’historique de mes Cm2, tous les dyslexiques (officiels ou potentiels) ont eu de très bons résultats sur les plans de mathématiques, avec une nette amélioration au fil de l’année. Parfois même, certains ont pu valider quelques plans de français en fin d’année, ce qui n’est pas une mince affaire quand même !
Pour les élèves de type dyspraxique travaillant sur ordinateur, ils vont pouvoir parfaitement réaliser leurs plans dessus. Je leur laisse le choix entre numérique ou cahier et ils peuvent choisir à chaque exercice où il est plus efficient de le faire. Encore une fois, je les accompagnerai au moment de la correction et pourrai les conseiller quant au support, mais ce sont eux qui feront le choix initial. Au final, ces élèves Dys réussissent bien souvent de nombreux plans dans l’année et les critères de la réussite sont exactement les mêmes que pour les autres élèves de la classe à savoir, l’investissement dans le travail et un certain pragmatisme. Ce n’est pas leur singularité qui décide des résultats, mais ce sont leurs choix ! Je crois que l’égalité de chances est ainsi respectée !
L'élève Dys accompagné
Dans ce second cas, dès le début de l’année, je précise mes attentes auprès de l'adulte qui accompagne d'élève, l’AESH. Celui-ci doit prendre un peu de recul par rapport à son rôle et se mettre en retrait. Il doit devenir un « outil » que l’élève doit avoir à choisir comme sa règle, son sous-main, ses tableaux de conjugaison ou même son ordinateur. J’interdis de base à l’AESH d’être le moteur de l’élève. Cet élève doit apprendre à vivre seul et à décider seul. Rappelons-nous de la nécessité pour l’élève de faire ses choix seul. A aucun moment, l’AESH ne doit indiquer quel exercice choisir sur le plan. Si l’élève a besoin de l’aide de l’AESH, il doit alors le lui demander expressément. Il faut comprendre que pour moi, un enfant bénéficiant de l'aide d'un adulte ne doit pas forcément réussir tout ce qu'il entreprend (c'est souvent le rôle que se donnent les AESH). Souvent en fait, les élèves ont envie de réussir seuls, sans aide. Ils veulent s’émanciper de cette aide parfois envahissante de l’adulte. Ceci n'empêche pas, ponctuellement, que je peux aussi demander l’étayage de l’AESH, et en particulier pour remettre au travail quand je pense que l’élève ne le fait pas suffisamment (en tenant compte de la fatigue).
Dans le but de mettre tout cela en place, souvent je dissocie l’AESH de son élève dans l'espace de la classe. L’élève est dans un ilot avec trois autres camarades et l’AESH est seul à une double table à un autre endroit de la classe. Quand l’élève a besoin, il doit se déplacer vers l’AESH pour le temps de l’aide. C’est mécanique, l’élève fait ses choix seuls et ainsi, l’AESH ne peut pas intervenir ou interférer (il a toujours envie de l’aider !). Au final, l’élève Dys est donc dans la même situation que ses pairs, il prend lui aussi de l’autonomie et de la maturité. Il sait qu’il est évalué comme les autres, dans les mêmes activités, dans le même rythme avec une aide de l'adulte qu’il se donne le droit lui-même de recevoir. Quand tout cela est en place, notre élève est devenu bien pragmatique et il est très souvent en réussite et peut enfin se sentir, lui aussi, comme les autres élèves, responsable de sa réussite. Celle-ci sera plus dure à atteindre, mais elle n'en aura que plus d'impact sur sa motivation et sur son estime de lui.
Bilan et Conclusion
En fait, je m’aperçois que les élèves Dys passent, pour la grande majorité, une très bonne année avec moi et combien se révèlent de bons élèves sérieux et motivés alors qu’ils étaient en difficulté avant, car ils ne parvenaient pas à achever les évaluations ou les exercices dans le temps imparti. Ceux qui se mettent en difficulté ne sont pas plus nombreux que les élèves dits "normaux", et leur échec éventuel s'explique alors par les mêmes causes que les autres, et jamais par cause des troubles d'apprentissage eux-mêmes.
Le dernier point positif du fonctionnement de ma classe est la quasi absence de travail contraint à la maison (il y a du travail personnel quand même (voir ici)). Toutes les familles de ces élèves me disent leur soulagement de ne plus être en opposition le soir avec leur enfant qui n’en peut plus de sa journée et qui ne parvient pas à réaliser le travail demandé dans un temps raisonnable. Je dégage les parents de cette responsabilité de devoir une fois encore, confronter leur enfant / héritier à des difficultés dont il n’est pas responsable. Le fonctionnement de son cerveau n’est pas de sa responsabilité alors qu’il est de la nôtre (au moins de la mienne !) d'en tenir compte. Cet élève a le droit lui aussi d’avoir un enseignement qui lui permet d’exprimer au mieux ses capacités. Pour finir de valider mes choix pédagogiques, pour ces élèves, le collège semble se continuer sur la lancée installée en Cm2, et c’est tant mieux pour eux !
Pour résumer, l'adoption de la Pédagogie CPR permet d'accueillir dans de bonnes conditions les élèves présentant des troubles d'apprentissage. Quand je parle de bonnes conditions, c'est vrai pour le professeur qui n'a pas besoin d'adapter son dispositif en fonction du trouble présenté par l'élève (car le dispositif est structurellement adapté à (presque) toutes les singularités), un professeur qui ne ressent donc pas l'arrivée d'un Dys comme une surcharge, mais qui peut au contraire y voir une richesse pour sa vie professionnelle. Mais c'est vrai aussi pour l'élève qui n'est plus considéré comme incapable de réaliser les mêmes activités que ses pairs, qui peut lui même faire ses choix et en assumer la responsabilité en terme de réussite. Son image, son estime de soi, mais aussi le regard de ses parents peut évoluer de manière très positive. Cette évolution se prolonge généralement au delà de l'année passée dans ma classe.
Si vous accueillez un élève Dys dans votre classe, vous pouvez donc continuer à adapter vos activités pour lui de manière unique et donc à fond perdu, ou envisager un investissement durable en adoptant un fonctionnement de type Pédagogie CPR qui sera en plus profitable pour une très grande majorité des élèves de votre classe.
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Isabelle Gallois (lundi, 28 mars 2022 21:42)
Mon fils est dyslexique dysorthographie