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Le Roman de l'année : Semaine 8 : Et ça repart !



 

 

Chapitre 14 - Semaine 8 : Et ça repart !

 

 

Lundi, novembre, grisaille… L’automne a vraiment pris le temps de s’installer pendant la Toussaint ! Il pleut sur la route, il pleut dans la cour… C’était bien les vacances !

 

J’ai peu de temps en fait pour pouvoir penser à déprimer un peu ! 8h45, on est dans la classe, 9h on est dans le bus vers la piscine ! 15 minutes de route pour atteindre le centre aquatique le plus proche d’Issiéla. 9h30, les élèves sont dans l’eau !

 

Cycle piscine

 

Cette année encore, j’ai la joie et le bonheur d’être convié aux séances de piscine. Dans notre territoire, toutes les écoles (collège compris) ont un cycle piscine annuel de la fin de la maternelle à la 5ème ! Autant dire que certains nagent mieux que moi ! D’un autre côté, ils n’ont pas de mal ! A leur âge, je ne savais pas encore nager et j’étais à la limite de la phobie aquatique. J’ai soigné cela petit à petit, année après année et aujourd’hui, je nage, mal mais je nage, et j’aime me baigner à la plage, à la piscine de temps en temps, surtout l’été, après les randonnées en montagne quand on a eu bien chaud. Mais alors en novembre avec la classe, j’y trouve peu d’intérêt.

 

Je milite pour n’emmener que les élèves qui ont un réel besoin. Pour les autres, on pourrait travailler un autre sport, être un peu pragmatique, s’adapter au besoin en tenant compte de la singularité de chacun… Mais bon, la souplesse n’est pas une des caractéristiques de la vénérable institution qui m’emploie. Alors, je me retrouve, comme tous les ans sur les bords du bassin de novembre à Noël.

 

Cette première séance, je la consacre à faire l’activité de fin de cycle : le test ASSN (le savoir nager en clair). Cela fait des années que je teste les enfants dès le premier jour. En fait, cette attestation est à obtenir seulement avant la fin de 6ème. Cette année, 11 élèves la décrochent dès la première séance de Cm2 ! Cela relativise quand même pas mal les objectifs pédagogiques de mes séances ! Quand je pense que l’on remet parfois en cause l’utilité d’emmener deux ans de suite les élèves faire du ski, la piscine, elle est devenue indéboulonnable ! Ils vont en faire 6 ans de suite, sans que personne ne s’inquiète de ceux qui n’en ont aucun besoin ! Quand on parle de Piscine avec l’institution, on dirait qu’on parle de Dictée (voir mon premier ouvrage sur ce que je pense de cette activité !).

 

Ce test, (plus un test d’endurance) me permet quand même de séparer la classe en deux. Les bons nageurs seront avec moi, les autres avec le maitre-nageur. En parlant de ces autres, il n’y a pas que des Manaudou ! 5 ne lâchent que difficilement le bord ! Des fois, en les regardant, je me dis quand même que j’étais à peine mieux à leur âge ! Mais bon, je n’avais pas fait autant de séances qu’eux ! Depuis leur début de scolarité, ils ont quand même fait entre 40 et 50 séances… Pour en arriver là ? Ceux qui nagent le mieux ne progresse plus vraiment, car je ne suis pas entraineur de natation, et pour les phobiques de l’eau, on retourne un peu le couteau dans la plaie une fois de plus… Cela relativise quand même pas mal l’efficacité pédagogique de cette activité récurrente…

 

Je ne peux m’empêcher non plus de penser au conseiller pédagogique qui, il y a quelques années, nous avait vaillamment expliqué, chiffres et statistiques à la main qu’il avait conclu de son étude que, je cite, « plus les élèves vont à la piscine, moins il y en a qui n’ont pas l’ASSN à la fin ! ». Je me souviens aussi qu’avec un tel dispositif, en multipliant les séances des élèves, il avait réussi à passer de 89% à 93% de réussite… Et le rapport TPA dans tout ça ? J’avais alors évoqué le côté asymptotique de la courbe et que pour atteindre les 100% de réussite, il vaudrait mieux installer directement la classe au centre aquatique ! Je vous renvoie encore à mon premier ouvrage et en particulier à la partie sur les chimères pédagogiques (le 100% de réussite) pour comprendre mon propos !

 

Bref, avec ses pensées qui traversent mon esprit un peu ronchon d’un lundi matin à la piscine, la première séance de ce long cycle s’achève, les groupes sont faits ! Il est temps de rentrer en classe !

 

 

 

Semaine de fin de plan

 

Le retour à l’école se faisant en fin de récréation, les élèves n’ont que le temps du trajet pour distraction. Ainsi, à 11h, tout le monde est la tête dans le guidon sur le plan de travail CPR mathématiques M2 (enfin tous si on oublie Nathan, Rayan et Armelle). Il s’achève jeudi et à part Paul et Ulyana qui sont d’ores et déjà assurés de valider leur plan, ce n’est pas encore gagné pour grand monde ! Lundi midi, alors que je consulte les cahiers, je fais le point sur la feuille de fin de plan… Je ne suis pas certain d’atteindre les 10 plans validés du plan M1 et ce n’était déjà pas fameux. Après, c’est toujours un moment délicat que ce plan M2 qui est coupé par 2 semaines de vacances. Les gains de pragmatismes esquissés lors de la période 1 sont encore fragiles et parfois, on a l’impression de repartir à 0 à la rentrée des vacances de la Toussaint !

 

 

 

La séance d’APC

 

 Du coup, la séance d’APC avec les 10 élèves volontaires (parmi ceux qui n’ont pas encore été couronnés de succès dans les plans) va permettre d’en remettre quelques-uns sur les rails. Quelques-uns, mais pas tous ! Par exemple, Arthur ne daigne même pas ouvrir son cahier… « Arthur ! Au travail ! » Et lui, de me répondre : « On fait comment pour éviter la séance d’APC ? ». Alors là, mon petit coco, tu es en Pédagogie CPR et ta question n’a pas lieu d’être… « C’est simple, pour ne pas venir en APC, il suffit de ne pas être volontaire ! Du coup maintenant, tu assumes ! » Et tac ! Il ouvre de grands yeux, il n’a pas le temps de dire quoique ce soit que fuse dans la classe : « Arthur, là t’es coincé ! ». Bon, il ne travaille pas beaucoup pendant la séance, mais, au moins, il arrête d’empêcher les autres de le faire !

 

Ce qui est à noter, c’est l’excellente séance d’Eva et d’Adam qui atteignent le palier cO pendant l’APC. A partir de là, ils deviennent prioritaires pour venir au bureau et on va pouvoir envisager un palier cV que je n’attendais pas si tôt pour ces deux-là ! Voilà qui éclaire un peu ma journée !

 

 

 

 

Le départ de la Transat IMOCA

 

Mardi matin… La tempête des vacances a repoussé le départ de la Transat Jacques Vabre (Le Havre – La Martinique) pour la catégorie IMOCA à ce mardi matin. A 9h30, le vidéoprojecteur est en route. Nous allons pouvoir suivre le départ en direct dans la classe ! Moment sympa. Les élèves sont à fond et la plupart découvrent ce qu’est un IMOCA. Ce sont des bateaux fabuleux. 18m de long, conçus pour un homme seul, il faut les voir s’élever au-dessus de l’eau quand ils ont le vent de travers. Les élèves sont impressionnés ! « Mais il vole ! » On voit aussi de suite que ça tape dur dans la mer formée de ce début novembre.

 

Au bout d’une petite heure, les hélicoptères et les bateaux accompagnateurs font demi-tour, la retransmission s’arrête, ça tombe bien c’est aussi l’heure de la récréation. Nous laissons donc les skippers dans leur course et revenons vers nos objectifs premiers, le plan de maths M2 pour lequel il ne reste que 2 séances et demi. Et demi, car je profite du mercredi matin pour faire une moitié de séance supplémentaire en fin de matinée. Elle est sans venue au bureau, mais elle donne l’occasion aux élèves de mettre 1 ou 2 exercices de plus dans la musette !

 

 

 

La dernière séance du plan M2

 

Jeudi matin, c’est le grand jour de la semaine ! On commence la matinée par une nouvelle séance de joie et de bonheur à la piscine… Bon j’exagère, la séance est plutôt agréable. Le groupe des bons nageurs est super bon et super volontaire ! Je crois qu’ils vont tout accepter de tester cette année ! Même le maitre-nageur de surveillance du bassin vient me dire : « Ils sont incroyables ceux-là ! » Alors que c’est surtout une séance d’observation pour moi, je vais les faire tester les 4 nages ! Alors la brasse, le crawl et le dos, c’est tous les ans, mais cette année, j’innove : « Allez Hop ! Une longueur en papillon ! » « C’est comment le papillon ? » Et Yona « On fait comme ça ! » avec les gestes à l’appui… « Allez Yona, à l’eau et tu montres aux autres ! » Et elle y va ! Elle fait sa longueur, alors tous les autres se sentent pousser des ailes (de papillon, sic !) et ils essayent tous. Et bien croyez-moi, la plupart ont réussi à produire une nage avec les deux bras à la fois pour traverser la piscine dans sa grande longueur !

 

Mais on se mouille, on se mouille… Il y a quand même un plan à finir. Le retour en classe est dynamique ! « Ines et Nina ! Distribution des cahiers de maths ! » « Aujourd’hui seront prioritaires… » et j’égraine la liste des « heureux prioritaires ». Et j’entends des « Yes ! » des « Ouais ! » et les grognements pour les autres, insatisfaits. Mais « tout le monde ne peut pas être prioritaire, car sinon, il n’y a pas de prioritaire ! ». Première leçon de logique du matin !

 

 

 

Cette dernière séance, comme d’habitude est longue, elle dure un peu plus d’une heure. Les venues au bureau s’enchainent et s’enchainent. Je n’ai pas une seconde de répit ! Mais quel moment magique ! Je fais des checks aux élèves qui obtiennent le dernier point bleu pour atteindre le palier cV du plan, on entend quelques félicitations fuser dans la classe.

 

Et alors que les minutes passent, les plans réussis s’accumulent. A 10 minutes de la fin, ce sont de bonnes surprises qui arrivent : tour à tour, Adam, Ethan et Tristan valident leur premier plan de l’année. Les deux premiers ont été reçus avec leur parents juste avant les vacances (voir le chapitre sur la semaine 7). Visiblement, ces rendez-vous ont servi à quelque chose car, la mise au travail a été bien meilleure depuis et les résultats sont là. Ceci étant, cela valide aussi le discours que j’ai eu avec les parents : « Il est largement capable de valider ses plans ! ». C’est fait ! On n'imagine pas toujours à quel point la crédibilité d’un professeur se construit dans ces moments-là. Mais encore faut-il avoir pris le temps d’observer, d’analyser les premiers échecs et de laisser le temps au temps pour faire son œuvre. Quand on débute en Pédagogie CPR, ce recul n’est pas forcément acquis du premier coup ! Mais après plus de 10 ans, c’est une autre affaire ! C’est pourquoi je parle bien de crédibilité qui se construit.

 

Nous voilà à midi. Les élèves sortent, moins de pleurs que la première fois, mais tout autant de grands sourires ! Je corrige donc les cahiers et je valide quelques plans en plus. Et là nouvelle bonne surprise, Eva, que je pensais comme l’une des élèves les plus en difficulté depuis le début de l’année a réussi à valider, elle aussi, son plan ! Je n’en reviens pas !

 

Au final, 15 plans réussis sur 26 élèves, on est bien ! Comme quoi, allonger le temps d’un plan n’est pas plus stratégique que ça. Je ne l’ai pas fait alors que dans les premières années, avec le constat de lundi, j’aurais envisagé de prolonger de 2 ou 3 jours. Maintenant, je mets la pression, ou les élèves se la mettent eux-mêmes et ça accélère en fin de plan. En fait l’allongement du temps se fait sur la période de relatif attentisme du début et la fin accélérée ne s’allonge que peu.

 

 

 

La distribution des plans finis

 

Vendredi matin, un peu de calme après la tempête. On fait d’abord le point sur la Transat où les premiers coups de vent sont passés et où on « compte les morts ». Des abandons en rafale, des avaries, mais la flotte descend maintenant vers le sud, le long des côtes du Portugal. Je fais aussi le point sur la course virtuelle où j’ai inscrit un bateau pour la classe. Il sert de bateau démonstration pour les élèves. Je leur propose aussi d’engager un bateau virtuel avec leur famille. On suivra tout cela en classe la semaine prochaine pour préparer la grande course « retour en France » que l’on fera en équipages dans la classe au mois de décembre.

 

9h45, je passe à la distribution des plans M2. Ils devront le faire signer dans le weekend par leurs parents. J’en profite pour féliciter vivement les plans validés, dont les 2 plans à Xp de Paul (son premier à ce niveau) et de Loana (son second d’affilée !).

 

Je conspue aussi un peu les 2 ou 3 qui n’ont pas assez travaillé : Armelle, par exemple avait validé le plan M1, elle n’a que Po au M2 et le plan de F1 a été raté également ! « Il va falloir faire quelque chose ! ». Et, mine de rien, je lance un autre débat… « Je ne suis pas dupe… Vous savez ce que cela veut dire duper ? … Je sais que les informations ont circulé dans la classe ces deux derniers jours. Certains ont aidé d’autres à valider quelques exercices ! »

 

Là je vois quelques gros yeux, quelques inquiétudes poindre, mais je poursuis : « C’est aussi cela le pragmatisme… Vous vous êtes adaptés dans le but d’atteindre votre objectif ! Très bien, votre plan est réussi, il n’y a pas de problème pour moi. C’est bien vous qui avez écrit les exercices et de ce que j’ai vu, vous ne vous êtes pas contenté de recopier exactement ce qu’avait fait votre voisin. Toutefois, attention, à un moment, il faut bien aussi réussir à savoir faire ces exercices seul. Vous êtes-vous posé la question de savoir si les exercices où vous avez été aidé, vous auriez réussi à les faire seul, ou si maintenant, vous seriez capable de les refaire seul ? Ne vous habituez pas à toujours demander aux autres. Donc au début du prochain plan, je vous invite à tout tenter seul, c’est pour vous, pas pour moi ! »

 

C’est un discours que je fais un peu tous les ans, mais le phénomène est arrivé plus tôt que d’habitude… C’est une classe étonnante cette année ! C’est un discours qui les surprend, qui les décomplexe aussi. Je ne peux pas les empêcher de parler des exercices dans la cour (et je sais qu’ils le font même parfois aux toilettes d’après les témoignages d’anciens très bons élèves). Et alors ? Cela rentre dans ce que j’appelle l’étayage paritaire (je vous invite à consulter le guide pratique pour enseigner par plans de travail en Cm1-Cm2). Il est hors de question de laisser l’occasion de laisser penser à un élève que lui ou un autre ne serait pas légitime dans sa réussite. Je veux qu’ils deviennent responsables de leurs apprentissages, s’ils peuvent penser qu’ils ont triché, comment peuvent-ils être fiers d’eux ? Du coup, je les félicite, mais je leur explique que je sais comment ils ont réussi et que cela ne peut être une façon de travailler perpétuelle. Le fait d’être de connivence avec eux, une fois de plus de les accompagner, les laisse dans la fameuse « zone de confort psychologique » (voir mon premier ouvrage) nécessaire aux prises de risque accompagnant le développement de leur pragmatisme (et de leur adaptabilité).

 

La fin de la journée approche doucement après la première séance d’Histoire sur la Révolution Française en début d’après-midi. Nous y parlons Etats-Généraux, serment du jeu de paume et prise de la Bastille. Il est temps de conclure cette semaine par le changement de place bi-hebdomadaire.

 

Lundi, on y retourne.

 

 



Note de l'auteur : le roman de l'année est un roman ! Il s'agit d'une fiction, même s'il s'appuie sur ma réalité de professeur des écoles.

Objectif premier du roman de l'année : Accompagner les nouveaux professeurs en Pédagogie CPR

Ce qui est réel :

- Temporalité et paramètres de la classe

- Les anecdotes sont réelles, mais pas de l'année en cours.

Ce qui est fictif :

- les élèves et leurs résultats, les personnages secondaires.

(Ils n'ont pas de lien avec qui que ce soit)

- L'école et son environnement. Issiella n'existe pas !



 Crédit photos : beanico-photo (www.beanico-photo.fr)

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