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Retour à Jacques Prévert


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Retour à Jacques Prévert


 

Depuis le début de l'année, je navigue entre replacement sur du long terme, mais à temps partiel, ou des remplacements très courts. Je suis assez content de cette organisation qui me donne pas mal d'occasions d'observations différentes et alimentent mon expérience. Dans les remplacements courts, je trouve parfaitement mon compte. On se pose souvent la question de la relation élève - professeur qui doit s'installer sur et pour un moment très bref. L'idée première est déjà que les élèves qui me sont confiés ne perdent pas leur journée. Si de plus, je peux faire profiter la classe de mes spécificités, je fonce. Souvent, je fais une expérience scientifique (souvent sur les dangers de l'électricité, ou sur d'autres phénomènes, j'essaierai bientôt de partager ces ressources que j'ai souvent créées de toutes pièces). Parfois, ce sera une séance d'histoire (quand j'ai des cycles 3)... Ce côté "journée qui sort de l'ordinaire" permet une respiration aux élèves, et leur permet de vivre la journée de remplacement comme un évènement positif, au delà de ce qu'ils perdent, la continuité de leur classe, de leur travail.

 

Ainsi, je commence souvent ces journées par un "avec moi, vous oubliez tout de suite les d'habitude, on fait comme ça !". Je les lance vite dans le travail. Tout en respectant au mieux la commande des collègues que je remplace, j’aménage un emploi du temps qui me libère du temps pour une ou deux activités de travail qui vont faire de cette journée, une journée pas comme les autres, fidèle, finalement, à ma promesse du début de journée. Et le fait est que presque à chaque fois, les élèves me demande quand je reviendrai. Unique, mais inoubliable a été la fois où des Cm2 m'ont applaudi à la fin de la journée. On était dans une école REP+, comme quoi, ils avaient un grand souhait de travail, car lors de cette journée, ils n'avaient pas eu le temps de lever le nez ! Et de fait, quand j'arrive dans des classes qui n'ont pas eu d'enseignant depuis plusieurs jours, c'est avant tout le soulagement, la joie de pouvoir enfin travailler ! On est parfois, dans la réalité, loin des idées reçues...

 

La plupart du temps, les élèves ne demandent pas que je remplace leur enseignant, mais que j'assure la totalité de son absence. Parfois, rarement, mais de manière régulière, il y a une demande plus profonde de remplacer tout bonnement et simplement leur enseignant. C'est arrivé, mais c'est très rare. D'un autre côté, moi j'arrive pour une journée, je place des séances où je sais que j'ai un maximum d'adhésion des élèves ! Les dés sont pipés... Si je les avais toute une année, les séances "sympas", il n'y en aurait pas très souvent au final ! Mais je prends, et j'en abuse même, puisque je peux recommencer à chaque nouvelle classe !

 

 

 

 

Au delà de ces journées, je me suis souvent demandé si je laissais une trace plus longue dans leur esprit que le simple sentiment qu'ils avait d'avoir passé une bonne journée en passant la grille et en retrouvant leur famille.

 

Alors quand lundi matin, le service du Rectorat m'a appelé : "On a besoin de vous à l'école Jacques Prévert, pour une classe de Cp-Ce1." J'étais déjà en route pour mon école rattachement. Demi-tour ! L'école est de l'autre côté du département ! Pendant la route, je me suis souvenu que ce n'était pas ma première mission dans cette école et que j'avais déjà eu la classe de Cp-Ce1 !

 

Le temps de la route m'a laissé le temps de préparer la journée à venir, mais aussi de me remémorer le remplacement que j'y avais déjà effectué. Il occupe une place spéciale dans mon année. En effet, ce fut la seule fois que j'ai accompagné une classe à la piscine, et je me souvenais d'une classe un peu terrible avec beaucoup d'élèves en difficulté, beaucoup qui n'avaient pas encore compris ce qu'être élève veut dire... Je me souviens aussi que j'avais trouvé la matinée longue, que le travail avait peu avancé, mais que la sortie à la piscine, en début d'après-midi avait changé totalement la relation avec le groupe. La fin de la journée avait alors été très agréable et du coup, en repartant, j'avais eu le sentiment d'avoir passé une bonne journée.

 

 

 

 

 

Alors, y retourner une nouvelle journée, l'idée me plaisait beaucoup ! Alors que j'arrivais à l'école Jacques Prévert, je voyais déjà ce que j'allais installer pour la matinée. C'est le directeur qui m'a accueilli. "M. Durand, on m'a prévenu de ton arrivée ! Les élèves t'attendent !". Je lui rappelle que j'étais déjà venu prendre la classe à l'automne, mais il était absent ce jour-là. "Par contre, me dit-il, quand j'ai parlé de maître Nicolas, il y en a qui étaient très enthousiastes de te revoir !".

 

C'est au moment de l'appel que tous les prénoms et visages me sont réellement revenus en mémoire. Les élèves en difficulté semblaient toujours l'être et les terribles l'étaient toujours aussi. "Vous vous souvenez de moi ? On est allés à la piscine..." Certains se souvenaient parfaitement, d'autre pas. Le fait est que la prise en main du groupe a été beaucoup plus simple qu'au mois de novembre. D'une part, je les connaissais et, d'autre part, ils ont grandi et acquis de nombreuses compétences. Les Cp ne savent pas encore tous lire, mais certains le font très bien. Ainsi, la journée va se passer dans la bonne humeur et la confiance mutuelle, celle que j'aime voir s'installer. Ce fut donc encore une belle journée, pas facile avec certains à gérer, mais ça, c'est mon métier. On s'est de nouveau dit au revoir en fin de journée. "Ça me donne envie de te faire un câlin..." ai-je entendu, chose que je ne fais d'ailleurs jamais, j'aime bien garder mon positionnement de professeur (plus accompagnant que maitre comme je le prône dans les concepts de la Pédagogie CPR (en découvrir plus ici), et ce qui n'est pas incompatible avec une grande bienveillance.

 

 

 

Pour conclure, être remplaçant est une mission à part. Souvent, on pense que le retour des enfants sera moindre, que l'on ne pourra pas avoir le temps de nouer des relations avec eux. En fait, ce n'est pas le cas et c'est une des bonnes surprises de l'année pour moi. Bien entendu, nous n'installons pas les mêmes relations durables, celles que je pouvais avoir avec mes Cm tout au long des années que je passais avec eux, mais le retour des enfants est rapide, naturel et souvent fort simple.

 

Le fait d'en revoir au bout de 6 mois est tout aussi fort, car il s'agit là aussi de mesurer leur évolution. Je n'y ai eu aucun impact, en 1 journée, il n'y a pas d'impact, mais la reconnaissance qu'ils ont pour 1 journée passée avec eux est une des raisons qui font de notre métier l'un des métiers les plus passionnants qui soit. Ce métier est difficile parfois, alors ces retours, cette reconnaissance, c'est une valorisation qu'il ne faut jamais banaliser, et qu'il ne faut jamais penser comme acquise. Elle donne parfois, ce sentiment si satisfaisant du travail un temps soit peu bien fait !

 

Je ponctuerai cet article par la dernière parole d'une des élèves que j'ai eu 3 vendredis au mois d'avril. A la sortie du dernier jour passé en classe ensemble, avant de rejoindre sa famille, elle m'a regardé et m'a dit tout simplement : "Tu vas me manquer !". En ces temps difficiles, cela me rappelle pourquoi j'ai choisi ce métier et pourquoi il me passionne toujours autant...

 

 



Découvrez les livres de la Pédagogie CPR

 

Pour une entrée plus théorique :

Rendre chaque élève de Cm1-Cm2 responsable de ses apprentissages

Pour une entrée plus pratique :

Enseigner par plans de travail en Cm1-Cm2 : le guide pratique


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Commentaires: 2
  • #1

    Cléa (mercredi, 14 mai 2025 17:27)

    Merci pour ce très chouette "reportage" sur les TR. Je l'ai été pendant un moment avec essentiellement du court car remplaçante en rep+. La relation avec les élèves est présente même si épisodique. Je me souviens d'une fois, j'avais remplacé dans une école très loin de mon rayonnement habituel en ms/gs. Deux ans plus tard, ma secretaire m'y renvoie. Et là, un élève se plante devant moi et me dit "je te connais, tu es venue quand j'étais en maternelle". Un élève dont je me souvenais aussi avec un parcours pas simple. C'était un moment suspendu.
    La seule chose qui me manquait était de mener un projet jusqu'au bout. Depuis 3 ans, je suis donc titulaire de classe, une autre manière d'enseigner...

  • #2

    Nicolas DURAND (mercredi, 14 mai 2025 18:19)

    Grand merci à vous pour ce témoignage ! Et bonne continuation à vous !