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Plan de travail CPR, Plan de travail et Feuille de route

Préambule


 

Régulièrement, je vois s'établir sur les réseaux sociaux des débats concernant la définition de la notion de plan de travail. Bien que j'en parle en détail dans mon livre "Enseigner par Plan de Travail en Cm1-Cm2 - Le guide pratique" (à commander ici ou en librairie), j'ai trouvé intéressant de refaire un point pragmatique et dépassionné sur le sujet.

 

Il existe quelques publications sur le net concernant les Plans de travail et souvent ils sont mis en opposition, par les auteurs, avec un dispositif que ces mêmes auteurs nomment Feuilles de route. Quand je dis opposition, il faut être réaliste, la grande majorité des publications dénigrent ouvertement le système de Feuille de route en prônant le "vrai" Plan de travail, c'est à dire le leur. (Après tout, c'est un droit, et je vais faire d'ailleurs un peu de même ici avec les miens !)

 

Bref, quand j'arrive là dedans avec mes gros sabots il y a deux ans, en proposant un dispositif différent des deux autres mais que j'ai l'outrecuidance de nommer aussi Plan de Travail, je n'ai pas échappé à quelques critiques ! Toutefois, il me faut préciser que cela fut relativement limité et que cela n'a pas finalement pas débordé le cadre de quelques militants émanant essentiellement d'une seule pédagogie. Loin de moi l'idée d'ailleurs ici de décrier les autres pédagogies que celle que j'ai développée. Chacun est libre de sa pédagogie et en proposer un certain nombre témoigne juste de la richesse de notre institution nationale actuelle.

 

Ceci étant, cette présence dans le paysage éducatif d'autant de pédagogies parallèles est aussi le signe de l'impuissance qui est la nôtre parfois ! Ainsi, développer une n-ième pédagogie de mon côté est le signe que je n'avais trouvé ni théorie, ni fonctionnement répondant à ma problématique première : assurer annuellement à l'ensemble de mes 25 élèves (en moyenne) une chance réelle et la plus équitable possible, de réussite, quel que soit leur passé, leur potentiel et / ou leurs difficultés.

 

Passée cette idée, il m'a fallu développer un système de fonctionnement de classe et, je m'en excuse, ce qui se rapprochait le plus de ce que je pressentais intuitivement était un fonctionnement que l'on m'avait décrit et nommé plans de travail.

 

Le "vrai" plan de travail


 

Mais tout cela nous éloigne un peu du sujet de cet article : qu'est-ce qu'un "vrai" Plan de travail ? Je reprends ce qualificatif de "vrai" qui m'a été opposé à plusieurs reprises et qui permettra de bien clarifier mon comparatif.

 

Deux pédagogies (l'une étant issue de l'autre) revendiquent la paternité des Plans de Travail : la Pédagogie Freinet et la Pédagogie Institutionnelle développée par Ferdinand Oury (issu de la première). Historiquement, c'est faux. Ils sont peut-être éventuellement les premiers en France (et encore cela serait à vérifier), mais la paternité de ce dispositif est officiellement attribuée à l'américaine Helen Parkhurst dès les années 1910 avec des plans différenciés connus sous le nom de "Plans Dalton". Pour l'anecdote, et ça ne s'invente pas, sachez qu'Hélen Parkhurst est née dans la ville de "Durand", ce qui me fait un très léger point commun avec elle...

 

Alors qu'est-ce qui fait d'un plan de travail un "vrai" plan selon les adeptes de ces pédagogies ? Pour reprendre leur propos, un "vrai" plan est un dispositif personnalisé pour et en fonction de chaque élève. Cela signifie que 25 élèves impliquent 25 plans différents dans la classe. De plus, en théorie, chaque élève bâtit lui-même son plan (avec l'enseignant). Une des variables ici restera ou le contenu du plan, ou le temps donné pour le réussir. C'est pendant la phase individuelle de construction du plan que cela se définit. Ensuite, la différence profonde entre Freinet et Oury se fait sur les modalités de validation des plans par les élèves. La Pédagogie Institutionnelle a introduit un "rite" évaluatif permettant de valider les acquis au fur et à mesure, les ceintures. Comme dans les sports de combat orientaux, le passage d'une ceinture valide un niveau et il est alors temps de se tourner vers un nouvel objectif, la ceinture du niveau d'au-dessus (c'est là le côté "institutionnel").

 

Donc, pour résumer, un "vrai" Plan de travail, selon ses promoteurs est un plan individualisé pour chaque élève, chaque élève réalisant par la suite le plan défini au départ. La validation des acquis peut donner lieu à une passation officielle visant à l'attribution d'un certain niveau de compétence.

 

La feuille de route


 

Dans le coin opposé du ring, je vous présente la Feuille de Route. Il s'agit, selon ses détracteurs, d'une "simple" feuille de planning. Le qualificatif simple étant ici très péjoratif. Échappons-nous quelques instants du côté passionné de ce débat et définissons clairement la Feuille de route : ce qui rentre finalement dans ce dispositif, c'est une liste d'exercices (ou de tâches) à faire, donnée de manière uniforme à tous les élèves de la classe (ou à un groupe d'élève : il peut y avoir dans certaines classes plusieurs feuilles de route, parfois différenciées en fonction de groupes de besoins). Selon les cas, il peut s'agir d'activités annexes à la classe (ce que l'on appelle aussi parfois "ateliers") ou du fonctionnement plus fondamental et central des mathématiques et du français. En général, les exercices sont classés dans un certain ordre et à chaque élève de réaliser sa feuille. Les variables sont souvent liées au niveau de performance de l'élève. Plus il est performant, plus il pourra aller loin dans les exercices proposés. En général, le temps donné pour ce travail est uniforme sur la classe. L'évaluation est souvent faite de manière traditionnelle : un exercice spécifique à l’évaluation est donné à la fin du temps de plan. De sa réussite dépend l'évaluation. De ce point de vue le plan Feuille de route a constitué la phase d’appropriation, d'entrainement et on se doit de valider le travail effectué.

 

Donc, pour résumer, ce que l'on peut définir comme "Feuille de Route", est une planification uniforme d'un parcours didactique pour un groupe d'élève.

 

Cette certainement cette notion de groupe et non d'individualisation qui fait la réelle différence, et là, on ne parle plus seulement d'une simple homonymie, mais bien de pédagogies totalement opposées l'une à l'autre. Dans la feuille de route, il n'y a pas d'individualisation à priori et ce n'est pas bâti avec les élèves. On ne rentre donc pas dans le cadre du "vrai" Plan de Travail défini au-dessus. Pour autant, il s'agit bien là aussi d'une planification du travail et c'est pourquoi, il n'est pas inconcevable d'appeler cela aussi un plan de travail ! Sémantiquement, on est dans le vrai tout autant que les pédagogies qui en revendiquent l'exclusivité. En fait, libre à chacun d'appeler son dispositif comme il l'entend (il n'y a pas de marque déposée) et cela vaut-il vraiment la peine de s'étriper sur les réseaux sociaux juste pour une histoire de nom utilisé ?

 

Bien entendu non ! Il faut cesser de se limiter à la surface et s'intéresser au contenu ! Étonnamment, aucun des fameux militants n'avait lu mes ouvrages avant de venir me chercher sur les Plans de Travail CPR. Le plus fort, c'est quand même que je les rejoins sur de nombreux points (ce qu'ils auraient constaté en lisant mes livres avant de commenter) : il y a bien une différence fondamentale entre les fonctionnements de ces différents dispositifs de plans de travail. Entre une individualisation totale chez Freinet ("vrai" Plan de travail) et un planning pour toute la classe (Feuille de route), les enjeux didactiques ne sont pas du tout les mêmes. Ce n'est pas parce que l'on met un truc didactique que l'on nomme plan de travail dans sa classe que cela en fait une classe relevant des Pédagogies Freinet ou Institutionnelle ! Ce n'est pas pour autant non plus que ce que l'on fait en serait forcément moins "juste" pédagogiquement !

 

Ceci étant ne voyez pas ici de jugement ou de classement des pédagogies autres que la mienne. Si la Pédagogie CPR est née, c'est bien que les autres ne me satisfaisaient pas... et j'espère bien y avoir trouvé quelques avantages supplémentaires, mais pour autant, tous mes collègues de France et de Navarre ne sont pas tous de mauvais enseignants car ils ne font pas de Pédagogie CPR !

 

Et les Plans de Travail CPR ?


 

Bon et maintenant, entre ces deux types de Plans, où se situent ce que j'appelle les Plans de Travail CPR ? Se rapprochent-ils plus des "vrais" plans ou plus d'une feuille de route ?

 

D'emblée, certains ont décrété que les Plans CPR étaient des feuilles de route. En effet, le jugement a été sommaire : c'est la même feuille pour tous ? C'est une feuille de route ! C'est aller là un peu vite en besogne !

 

La première chose, c'est qu'effectivement, un plan de travail CPR n'est pas un "vrai" plan. Il n'y aura pas 25 plans différents, mais un seul et uniquement un seul, le même pour toute la classe. Pour autant, il y aura bien une personnalisation des parcours. Et c'est là que les plans CPR s'éloignent de la feuille de route définie comme je l'ai fait.

 

Certes la feuille de Plans de Travail CPR est la même pour tous, et c'est même là une revendication de ma part. Tous les élèves partent avec le même travail possible. C'est la fameuse équité des chances. Ensuite, le temps imparti pour un plan est aussi le même pour tous ! Encore une fois, tous les élèves sont à la même enseigne au départ. C'est au cours du plan que tout se joue.

 

La liste des exercices proposés dans le Plan CPR n'est pas une liste d'exercices à faire, mais une liste dans laquelle il faut choisir les exercices qui permettront la validation du plan. L'ordre des compétences, l'ordre des exercices est laissé au libre choix de chaque élève (même si je l'accompagne parfois). Ici, le processus est finalement très similaire à celui des "vrais" Plans de travail. La première différence est que j'allège énormément mon travail de professeur (je ne prépare pas 25 plans individuels, mais un seul pour la classe et même les classes, car il sera réutilisable plusieurs années). La seconde est tout aussi importante, c'est que je ne catégorise pas les élèves à priori. Ils ont tous le même plan. A eux de se fixer un objectif et de l'atteindre. Pour cela, il se bâtissent eux-même leur parcours. Je n'empêcherai jamais un élève dit en difficulté de s’atteler à un exercice difficile. Qui suis-je pour décréter qu'il ne peut pas le faire ? Ah, oui, c'est là l'autre différence profonde de la Pédagogie CPR, je ne suis pas un maitre, je suis un accompagnant. Je ne décide pas pour les élèves, je les accompagne dans leurs choix, bon ou mauvais. On apprend de ses erreurs, et les mauvais choix font aussi partie de la vie ! Ces élèves apprennent cela, parfois à leurs dépends, mais souvent à leur avantage. Ils en tirent une capacité fondamentale : le pragmatisme. Quand tout cela s'est mis en place en cours d'année, ils deviennent alors responsables de leurs apprentissages. Voici résumé en quelques lignes l'objet premier de la Pédagogie CPR (Choix Pragmatique Responsable) et le pourquoi des Plans de Travail CPR.

 

Pour résumer, les Plans de Travail CPR ne sont ni des "vrais" Plans de travail comme en pédagogies Freinet et Institutionnelle, ni des Feuilles de route. Il ne fait aucun doute aussi qu'ils sont bien plus proches en terme de fonctionnement et d'enjeu des Plans de travail que des feuilles de route. Il s'agit d'une nouvelle voie didactique sous-tendue par une partie théorique complète (pour cela je vous invite également à ne pas vous limiter à la lecture du guide pratique, mais bien aussi à lire l'ouvrage plus théorique : Rendre chaque Élève de Cm1-Cm2 Responsable de ses Apprentissages"). Il y a dans la Pédagogie CPR une modélisation du fonctionnement de la classe novatrice et qui justifie les choix réalisés dans le développement de ce système particulier, une nouvelle déclinaison de ce que l'on appelle "les plans de travail", et qui ont un nom précis évitant les querelles stériles de réseaux sociaux : les Plans de Travail CPR.

 

pour conclure


 

Il existe de nombreux types de plans de travail dans les écoles et tout ce qui s'appelle ainsi ne se ressemble pas. A une extrémité du spectre, il y a la Pédagogie Freinet qui auto-proclame qu'ils utilisent les "Vrais" Plans de travail individualisé à chaque élève et de l'autre ce que l'on appelle les Feuilles de route, planning de classe à suivre par les tous élèves. Les Plans de Travail CPR sont une troisième voie différente avec une prise en compte systémique de la singularité de chaque élève à partir d'une même feuille de plan pour toute la classe.

 

Il vous reste à faire le choix... La Pédagogie Active (type Freinet), la Pédagogie traditionnelle (Feuilles de route) ou la Pédagogie CPR (une nouvelle voie, pas entre les deux, différente de par sa théorie sous-jacente).

 



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