Le Pragmatisme et l'Autonomie



A l’école, on parle souvent d’autonomie et plus rarement de pragmatisme. Il convient de bien faire la différence entre les deux concepts. Selon mes critères, on peut dire que l’autonomie est une des meilleurs situations pour utiliser son pragmatisme mais être autonome ne signifie pas être pragmatique. Dans la réalité, beaucoup d’élèves autonomes ne sont pas du tout pragmatiques. Ainsi, le travail en autonomie ne suffira pas à l’installation de la pédagogie CPR.

L’autonomie des élèves n’est pas non plus une conséquence de leur niveau scolaire, mais une compétence parallèle à développer. Elle ne se développera que si un élève en a besoin. Ce n’est pas une question d’âge, mais bien entendu, à chaque âge, les activités à réaliser en autonomie devront être adaptées au niveau de compétence de l’élève (ce qui revient à se mettre dans sa ZPD).

 

 

L'Autonomie

 

On parle d’autonomie, mais il est peut-être intéressant de rappeler précisément ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas. En effet, on y voit souvent le côté « seul ». Faire seul est pour beaucoup le sens de l’autonomie. Pourtant, si on se limite à cette définition, on passe à côté du réel sens. L’autonomie, étymologiquement c’est « auto-nomos » : auto veut bien dire seul, mais il ne faut pas oublier la notion nomos : la loi, la règle. L’autonomie est la capacité de respecter seul les règles. Ainsi, en classe, un élève autonome est un élève qui respecte seul la consigne qui lui a été donnée (et les multiples consignes de la classe).

 

Si, comme je le propose dans ma classe, un fonctionnement par plans de travail nécessite de l’autonomie des élèves face au travail qu’ils devront réaliser seuls sur leur cahier, l’autonomie n’est pas un prérequis à l’installation du système. Beaucoup de collègues pensent que l’on ne peut pas installer ce type de dispositif sans une certaine autonomie des élèves. C’est faux. Encore une fois, l’autonomie sera nécessaire, mais pourquoi demander aux élèves de posséder une telle compétence avant de commencer à l’utiliser ? Il faudra au contraire travailler et développer cette compétence d’autonomie en parallèle à l’installation des élèves dans ce fonctionnement en autonomie.

 

Apprendre, c’est prendre des risques, vivre c’est faire des choix ! Un enfant doit se confronter à la difficulté. Attention tout de même à ne jamais oublier le principe de base, la ZPD…  Un élève doit être mis en situation d’autonomie pour que celle-ci s’installe chez lui. En général, si un élève n’est pas autonome, c’est parce qu’on ne lui a pas assez souvent demandé de l’être…  Voilà ma réponse pragmatique. Et ne croyez pas qu’il faut exclure des élèves de cette recherche. Ils sont tous concernés, ils ont tous des avantages à en tirer. Qu’ils aient ou non des difficultés n’est pas à considérer ici.

 

Les progrès sont d’autant plus rapides qu’ils n’ont pas le choix. Confrontés à un dispositif de classe qui demande une prise en charge de chacun, un dispositif qui propose des activités demandant des productions où les élèves sont seuls avec les consignes, et bien l’autonomie vient rapidement. 

Le Choix Pragmatique

 

Prenons le temps de poser les différences entre autonomie et pragmatisme, en rappelant que le pragmatisme est une notion plus large que l’autonomie. Dans le travail scolaire, l’enfant autonome doit donc être capable de travailler seul en respectant les lois de la classe, les lois de l’activité et les lois de la matière travaillée. On peut parfaitement demander à un élève autonome de mener une tâche seul, une tâche qui lui a été présentée, dont les règles lui ont été également présentées. Un élève parfaitement autonome la réalisera sans « déranger » le professeur qui aura alors la possibilité d’étayer les élèves non autonomes.

 

Mais pour un travail par choix pragmatique, cela ne suffit pas du tout. Le pragmatisme englobe l’autonomie, mais il va beaucoup plus loin. Non seulement l’élève va travailler seul en respectant les lois et les règles, mais, en plus, il va devoir s’adapter, faire des choix (en particulier de méthodologies, de procédures ou de stratégies qui fonctionnent). En se projetant encore un peu plus loin, il va devoir aussi évaluer la situation pour savoir choisir « ce qui marche vraiment », puis évaluer son résultat et vérifier ainsi, que ça a réellement fonctionné. Il ne fait pas que travailler seul, il s’engage seul, il fait ses choix seul dans le but de s’adapter ! Le pragmatisme est là, tellement plus ambitieux qu’une simple autonomie scolaire qui peut être totalement accompagnée, formatée et dépourvue de choix et de liberté d’action et d’adaptabilité de l’élève.

 

Dans la pédagogie par le Choix Pragmatique Responsable, j’ai placé le mot CHOIX en premier. Ce n’est bien entendu pas un hasard. Le pragmatisme y est au centre, mais le choix est bien la pierre angulaire du système. Les développements que je recherche, tant en terme de pragmatisme, que de ZPD, passent par des activités où chaque élève est confronté à des situations où il doit faire des choix. Mes choix d’activités ont le rôle de s’assurer que le hasard sera bien peu efficient dans ces choix proposés.

 

 

 


 

 

En fait, un élève doit avant tout se sentir responsable de ses apprentissages. Qu’il le soit ou non dans la réalité m’importe moins que la sensation qu’il peut avoir de l’être. Pour qu’il se sente responsable, il faut que ses résultats d’acquisition soient une conséquence directe de ses actions. Bien entendu, on pense que le contenu d’un exercice devrait être suffisant. Pour un élève performant, cela peut être vrai, mais pour un élève un peu plus en difficulté, il a du mal à considérer qu’il y a une différence entre ses exercices réussis et ses exercices non validés. C’est pourquoi, j’ai cherché à trouver des marqueurs de réussite ou d’échec bien identifiables par les élèves. C’est là que la notion de choix prend tout son sens. Quand la réussite dépend d’un choix identifié, il est plus aisé d'en faire l’origine de la réussite et peut imprégner durablement le comportement face au travail des élèves.

 

Quelque part, c’est aussi le développement de « l’amour du travail bien fait ». Faire des choix, c’est se donner la possibilité de réussir. Voilà le message à diffuser auprès des élèves. Réussir leur est plaisant et vient ensuite la recherche de la reproduction de cette réussite. L’une des stratégies à développer sera très pragmatique : tenter de refaire des choix similaires à ceux qui ont apporté la première réussite. Mais cela ne fonctionnera pas à tous les coups et c’est par l’adaptation qu’il faudra passer (l'autre dimension du pragmatisme).